Nous consacrons ce dossier Santé aux douleurs chroniques et plus particulièrement la fibromyalgie. Dans ce volet, le témoignage de Brigitte Magnien, habitante de Wattignies. Atteinte de fibromyalgie et de fatigue chronique. La reconnaissance de sa pathologie a été un long parcours.
Nous avons tous fait, un jour, l’expérience de la douleur. Un mal de tête, une chute, une fracture, un coup, une coupure… Face à elle, nous avons un ressenti différent. « La douleurest une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable qu’il est difficile de quantifier et de qualifier », définit l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Quand elle est ponctuelle, elle est protectrice : elle agit comme un signal d’alarme qui indique au cerveau une lésion physique à soigner. Mais la douleur devient chronique quand elle se prolonge au-delà de trois mois. Parfois parce que le signal d’alarme se dérègle. La prise en charge est alors souvent complexe, comme dans le cas de la fibromyalgie.
Reconnaisance majeure
« Ce qui est difficile dans le traitement de la douleur, c’est qu’elle n’est pas objectivable.Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’existe pas, souligne le Dr Pavlos Petit, responsable de l’unité transversale douleur à l’hôpital Saint-Vincent à Lille. La douleur, c’est ce que dit le patient. Notre premier travail, c’est de reconnaître la douleur de la personne. » Une reconnaissance majeure dans le quotidien d’un patient pour qui le diagnostic et la prise en charge se font souvent à l’issue d’un long parcours, jalonné de souffrances et d’isolement.
« Ça montrait enfin que je n’étais pas folle »
Brigitte Magnien a vécu cette errance médicale et des « années de galère » avant que soit posé, en 2015, le diagnostic de fibromyalgie (catégorisée dans les douleurs chroniques) et de fatigue chronique. Presque un soulagement. « Ça montrait enfin que je n’étais pas folle », confie cette Wattignisienne de 57 ans.
« Mon médecin m’avait dit qu’il fallait mettre mon bras au repos. Mais comme toute maman, on fait ce qu’il y a à faire »
Aussi loin qu’elle s’en souvienne, cette mère de trois enfants s’est toujours sentie fatiguée. Pas cette fatigue passagère dont on ne parle plus après quelques bonnes nuits de sommeil, mais celle contre laquelle il faut batailler dès le matin. Une fatigue capable d’entraver le programme de la journée, de vous ramener à n’importe quel moment sous la couette et de vous mettre en décalage avec votre entourage. Les douleurs sont arrivées progressivement quand elle était jeune maman. Des travaux pour la maison, le quotidien avec les enfants, son travail d’agente d’entretien… Brigitte a développé des douleurs et une faiblesse au coude droit. « Mon médecin m’avait dit qu’il fallait mettre mon bras au repos. Mais comme toute maman, on fait ce qu’il y a à faire », explique-t-elle. Et puis un jour, son bras a craqué : « C’était un jour au travail. J’étais très en colère, mon tendon a lâché dans un mouvement. », se souvient-elle.
« Parfois, porter un vêtement est douloureux »
C’est à partir de cette période et de cette épicondylite (le nom médical de sa lésion au coude) qu’ont commencé des douleurs de plus en plus diffuses et récurrentes. D’abord dans les cervicales, puis aux épaules, puis aux hanches. « Les douleurs, je les ai tout le temps. Sur tout le corps, c’est plus ou moins intense », détaille Brigitte qui finit par consulter, en 2015, le Dr Jean-Michel Gillot au service de médecine interne du centre hospitalier Seclin-Carvin. « Il m’a fait faire plusieurs examens. En procédant par élimination, il m’a diagnostiqué une fibromyalgie », dit-elle. C’était il y a six ans, mais Brigitte peine encore parfois à accepter cette pathologie sournoise, plus ou moins en veille entre les crises : « Quand je suis stressée, je sais qu’il faut je trouve le moyen de me calmer dans les vingt-quatre heures, sinon je vais être complètement bloquée. » Par des douleurs articulaires et aussi sur l’ensemble de la peau. « Parfois, porter un vêtement est douloureux », explique-t-elle. Un état parfois difficile à comprendre pour l’entourage et pour certains médecins.
« Ces personnes ont souvent des bilans biologiques et des examens de radiologie normaux »
« Les patients se plaignent de douleurs diffuses qui ne sont pas en rapport avec une cause évidente comme un coup ou un accident. Ces personnes ont souvent des bilans biologiques et des examens de radiologie normaux », souligne le Dr Gillot qui reçoit depuis de nombreuses années des patients atteints de fibromyalgie.
Le docteur Jean Michel Gillot est responsable du service de médecine interne à l’hôpital de Seclin. – VDNPQR
Des patients souvent désemparés après de nombreuses consultations. Malgré une reconnaissance institutionnelle, l’absence de symptômes objectifs de la maladie laisse encore sceptiques des membres de la communauté médicale, déplore le Dr Gillot.